Le CE médical, gage d’un exosquelette sans risque pour la santé et la sécurité des utilisateurs

Dans ce webinaire, Damien Bratic, Co-fondateur et Directeur des opérations, explique comment le CE médical impacte la conception des exosquelettes et quels en sont les bénéfices.

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Face aux limites de l’automatisation et à la croissance continue des TMS, les exosquelettes représentent une solution qui peut sembler quasi miraculeuse.

Mais sachant qu’il n’existe pas encore de réglementation attitrée à ces équipements pour garantir la santé et la sécurité des utilisateurs, comment s’assurer que les exosquelettes ne feront pas pire que mieux?

C’est le standard réglementaire choisi par le fabricant qui reflète sa capacité à tenir ces promesses.

Pour vous guider, Japet vous propose le replay de ce webinaire pour présenter les standards médicaux de la conception et de l’évaluation des exosquelettes.

 

Pour exposer la problématique, on va parler de l’application AntiCovid, qui a une revendication claire : limiter la propagation du virus. Si quelqu’un est testé positif au virus, les personnes ayant été en contact avec la personne vont être au courant via l’application, ce qui va leur permettre de se mettre en quarantaine, consulter un médecin et se faire tester. C’est une belle alternative au confinement.

Le bénéfice pose quelques questions : est-ce que l’application sera utilisée par suffisamment de personnes pour qu’elle soit efficace ? Est-ce que la détection est précise avec le Bluetooth quel que soit l’environnement ? Il y a aussi des questions qui se posent sur les risques : quel est le risque de faux positifs ? De faux négatifs ? Quel est le risque d’un piratage des données par un malware ? C’est pourquoi il faut regarder les bénéfices et les risques pour savoir si le jeu en vaut la chandelle.

Les mêmes questions se posent pour l’intégration d’un exosquelette dans une entreprise : quels bénéfices et surtout quels sont les risques ? Comment peut-on savoir si les risques attenants sont bien maîtrisés et ne vont pas contrebalancer le bénéfice qu’il apporterait à l’utilisateur ? Le point de départ pour répondre à cette question est la voie d’accès au marché que choisit le fabricant.


Généralement, on s’appuie sur un référentiel normatif, c’est-à-dire une norme qui présente les bonnes pratiques à suivre tout au long de la vie du produit, de sa conception à la mise sur le marché pour minimiser les risques et prouver le bénéfice. Le problème des exosquelettes, c’est qu’il n’existe actuellement aucun référentiel normatif, même si l’AFNOR avance sur le sujet et qu’une norme sera prochainement publié.

Chez Japet, nous avons décidé de commencer par la case dispositif médical, qui impose non seulement de garantir la sécurité de l’utilisateur, mais également de prouver qu’il y a un bénéfice clinique. Concrètement, un dispositif médical (DM) est un produit avec une revendication clinique, et dans notre cas, c’est le soulagement de la douleur. C’est le principal élément qui nous a préoccupés tout au long de la conception : garantir le ratio bénéfice/risque.

  • Le risque d’utilisation

Le premier risque à identifier est le risque d’utilisation. Pour illustrer ce risque, prenons deux exemples. Le premier est celui d’une pompe à insuline qui a un réglage de l’insuline qui varie de 0 (quantité minimale) à 9 (quantité maximale). Il s’avère que lorsqu’on diminue le dosage le 9 à 0, tout fonctionne. Cependant, si on appuie une fois de plus sur 0, il y a un réglage circulaire qui a été fait par les concepteurs qui permet de passer de 0 à 9 directement (un peu comme sur les plaques de cuisson).

Le problème est que lorsqu’un patient croit injecter la dose minimale, mais qu’il appuie sur 0 une fois de trop, il va s’injecter la dose maximale. Il y a donc un risque notable à prendre en compte.

Le deuxième exemple est celui d’un cœur artificiel qui, dans le cadre d’une étude clinique, a rencontré un problème. Quand on change la batterie, le dispositif est censé s’alimenter sur une source d’alimentation secondaire. Concrètement, quand je dois changer ma batterie, je me branche sur le secteur pour le cœur ne s’arrête pas. Il s’avère qu’un patient a oublié de se brancher sur le secteur au moment de manipuler la deuxième batterie et est mort.

On fait face à deux risques qui sont conséquents : le premier est une erreur de conception où les ingénieurs ont cru bon de faire un réglage circulaire sur la pompe à insuline. Le second, quand bien même il aurait été possible de le régler par la conception, il aurait également fallu faire une formation pour pallier ce risque d’utilisation.

Dans le médical, pour répondre à ces risques, on est tenu de présenter un dossier d’ingénierie d’aptitude à l’utilisation. La méthode globale est de catégoriser, dans un premier temps, les futurs utilisateurs de notre dispositif afin d’élaborer des scénarios d’usage. Après on test, on fait des itérations, on test, on fait des itérations… c’est un cycle qui court tout au long de la conception.

Dans notre cas, prenons Thierry, soudeur, 48 ans, Bac+2 et Jacques, technicien de maintenance, 29 ans, bac+3 : on regarde les différents métiers, la qualification des utilisateurs et on s’intéresse au contexte et à l’environnement de travail. Ça peut-être une chaîne de production, un entrepôt… ça dépend du dispositif.

Ensuite, on s’intéresse aux scénarios d’usage qu’on va élaborer : changer la batterie, positionner le dispositif, le mettre à l’arrêt, le nettoyer… Enfin on élaborer des scénarios qui ne sont qu’un ensemble de tâches. Par exemple, premier scénario Thierry arrive au travail, met l’exosquelette et tout se passe bien. Le deuxième scénario, la batterie tombe à plat et le dispositif est sale : deux tâches vont devoir être effectués. En testant ces scénarios sur une dizaine d’utilisateurs, à priori, on peut faire remonter environ 75 % des erreurs à l’utilisation.

Tout au long de la conception, on fait ce qu’on appelle des évaluations formatives. La meilleure manière d’atténuer un risque, c’est de le corriger pendant la phase de conception. Par exemple, l’exosquelette avait une interface de commande légèrement différente avec des boutons agencés différemment. Au cours de ces évaluations, certains utilisateurs avaient tendance à inverser les boutons. C’est grâce à ces évaluations, que l’interface a pu être modifiée.  

En fin de process, on termine par une évaluation sommative : un test en conditions réelles en faisant état des risques persistants. L’objectif est de savoir si le ou les risques sont jugés acceptables. Pour prendre un exemple, au départ, notre dispositif se serrait grâce à des sangles dans le dos de l’utilisateur, on avait donc besoin d’une seconde personne pour venir correctement serrer l’exosquelette. En termes de proprioception, le réglage n’est pas le plus adapté quand il est réalisé par une tierce personne.

Ce problème est remonté grâce à l’évaluation sommative : nous avons donc pu modifier le serrage du dispositif avec un système d’enrouleur à l’avant qui permet un serrage moins brusque, plus précis et surtout avec une autonomie complète de l’utilisateur. Nous avons également mis en place des formations pour nous assurer que l’exosquelette soit bien installé et utilisé.

  • Le risque d’interférence

Pour ces risques, on est tenu de faire des tests de compatibilité électromagnétique qui visent à garantir les performances du dispositif en diverses situations.

Premièrement, regarder si le dispositif peut interférer avec d’autres appareils de l’environnement. Ensuite, regarder s’il y a des risques d’absorption électromagnétique, c’est-à-dire, voir si notre dispositif peut réagir bizarrement à la suite d’interférences émises par d’autres dispositifs. Il faut aussi s’assurer que les émissions sont suffisantes pour assurer la fonctionnalité du dispositif. Les seuils d’acceptation de ces émissions sont définis selon le cadre : il y a des seuils pour le domicile, pour les hôpitaux, pour l’industrie, etc.

Chez Japet, comme le dispositif est utilisé dans plusieurs cadre, nous avons dû revoir les systèmes de filtrages des signaux pour qu’il y est le moins d’émission électromagnétique et surtout faire en sorte qu’il soit immune aux émissions extérieures. La carte électronique ainsi que l’agencement des câbles dans le dispositif ont dû également être revu pour assurer une meilleure puissance du signal et une meilleure isolation. Ça a pris une année de conception sur l’électronique pour pallier ce risque en particulier.

  • Le risque électrique

Pour les risques électriques, imaginons notre utilisateur Sylvain sur son lieu de travail, qui est équipé d’une prothèse de main robotisée. S’il pleut ou s’il y a de l’eau sur la prothèse qui provoque un court-circuit sur la prothèse, la batterie n’apprécie, le tout prend feu et l’opérateur se met en situation de danger.

On règle ces risques avec des tests de sécurité électrique. Tout d’abord, on s’intéresse à la conductivité des parties apparentes et les parties impliquées. Il faut s’assurer qu’il n’y ait pas de courant qui peut être directement en contact de la peau de l’utilisateur ou qu’il n’y ait pas de courant de fuite et qui circulerait dans le dispositif.

Ensuite, on va regarder les décharges électrostatiques. Ces tests se passent dans un laboratoire où on envoie des décharges en tout point du dispositif en essayant d’accéder le plus à l’électronique et aux parties techniques du câblage pour voir comme le dispositif réagit. Quoi qu’il arrive, le dispositif doit pallier les décharges électrostatiques.

  • Le risque mécanique

Pour pallier ce risque, on fait chuter le dispositif de 1m50 et on lâche des poids de 500 grammes sur le dispositif en différents points. L’objectif est de vérifier s’il peut y avoir des cassures ; il ne faut pas que le dispositif puisse présenter des parties contendantes avec lesquelles l’utilisateur pourrait se blesser.

On doit également regarder les conditions de défauts. Pour ça, les testeurs en laboratoires vont volontairement faire un court-circuit sur les composants électroniques et couper des câbles. On doit vérifier qu’en faisant ça il n’y a pas d’élévation de la température, et quand bien même il y aurait des régulations, elle ne doit pas excéder 40°C pour les parties en contact avec l’utilisateur et encore moins y avoir de départ de flamme. On regarde aussi les certificats UL, qui sont des certificats des composants électroniques qui permettent d’assurer que les départs de feu sont impossibles.

On a également réalisé des simulations sur ordinateur où on a soumis le dispositif à des situations encore plus contraignantes. Avec ces tests, chez Japet, on a revu le design de certaines parties en aluminium pour avoir une meilleure résistance des pièces.

  • Le risque de piratage de données

Concernant la notion de cyber sécurité, y a-t-il des risques de piratages de données allant même jusqu’à l’utilisation du dispositif à distance quand il s’agit d’un exosquelette actif ?

Pour répondre à cette question, il y a quelques mois, notre organisme notifié, qui couvre notre marquage CE, nous a fait remonter une faille de sécurité qui avait eu lieu sur le Bluetooth et qui nous a donné un délai de 2 semaines pour répondre à cette faille. Alors il y a évidemment des risques, dès lors qu’il est actif, il y a un risque. Mais dans notre cas, aucune faille n’a été révélée. On utilise des protocoles sécurisés en parallèle et l’utilisation du dispositif ne repose pas sur des protocoles de communication extérieure.

De plus, une norme qui s’appelle la 62 304, est une norme relative à la bonne conception logicielle et qui vise à ce que le logiciel soit conçu de façon qu’il n’y ait aucun bug persistant.

On a vu dans les grandes lignes les principaux risques liés à l’exosquelette et comment les écarter par la conception, maintenant, il est temps de s’intéresser aux bénéfices qu’il apporte réellement à l’utilisateur et surtout comment prouver ce bénéfice.

 

Une revendication, c’est un engagement pour ceux qui sont prêts à y croire. Par exemple, une agence immobilière peut vendre du rêve et c’est seulement lors de la visite qu’on se rend compte que la réalité n’est pas exactement ce qu’on nous avait promis. Pour un dispositif médical, ce n’est pas le cas : on doit prouver les revendications via des études cliniques.

L’étude clinique peut se faire de deux manières soit via une investigation soit via une équivalence clinique.

  • L’investigation clinique est telle qu’on l’entend généralement. C’est une obligation pour certaines classes de dispositifs médicaux, notamment les dispositifs implantables, qui ont des risques plus élevés. Des études sur le dispositif doivent être réalisées, pour avoir des données propres à l’appareil en question. C’est une procédure qui est longue et coûteuse, entre les rédactions des protocoles et l’étude en elle-même, ça peut durer entre un an et cinq ans, si ce n’est plus.
  • L’évaluation par équivalence est possible quand on propose un dispositif qui a des bénéfices plus simples à prouver. Cette méthode repose sur des dispositifs qui proposent une thérapie partiellement similaire et l’objectif est de montrer qu’on est équivalent à ce dispositif déjà mis sur le marché. Cette équivalence se prouve selon 3 aspects : l’aspect clinique (les revendications), l’aspect technique (montrer qu’on est équivalent techniquement dans la manière dont l’appareil est conçu) et enfin l’aspect biologique (la manière dont le dispositif va interagir avec les tissus).

Chez Japet, on s’est basé sur un dispositif équivalent qui a l’avantage d’avoir des données cliniques en nom propre. On a montré qu’on était équivalent sur le plan clinique dans le sens où revendique également un soulagement de la douleur ; sur le plan technique, c’était simple, les deux équipements sont deux ceintures séparées par des moyens d’élongation, et enfin, pour l’aspect biologique, le textile est oeko-tex – classe 1, qui assure que les matériaux sont non allergènes. Donc on s’appuie sur ces données cliniques pour arriver rapidement à l’obtention du marquage CE sans finir nécessairement les cliniques qu’on avait par ailleurs commencé avec l’hôpital de Lille.

Donc on a les données équivalentes sur lesquelles on s’appuie, mais il y a aussi des données dites « requises », qui sont propre à notre dispositif. Par exemple, on revendique une mobilité. Il faudrait donc prouver que la mobilité a un impact positif et qu’on l’améliore effectivement. On peut considérer que Japet fait mieux que son équivalent, et pour ça, on procède à une analyse d’écart : on voit qu’il y a des incertitudes qui demeurent, qu’on n’est pas tout à fait identique au dispositif sur lequel on se base. Il est alors requis, après la mise sur le marché de notre dispositif, de mettre en place une étude qui s’appelle la Post Market Follow Up (PMCF)

Donc à cette étape, on a les données recueillies qui nous permettent l’obtention du marquage CE mais on entre dans une dernière phase de suivi où on est tenu par l’autorité réglementaire qui délivre le marquage CE, et qui engage sa responsabilité à nos côtés, de faire remonter suffisamment de données cliniques l’année qui suit la commercialisation pour finaliser notre dossier clinique. En effet, le bénéfice est assuré, le risque est amoindri, donc à ce stade le ratio bénéfice risque est satisfaisant, mais il faut s’assurer que ça reste le cas dans le temps. C’est donc à ce moment-là que la PMCF rentre en jeu.

Concrètement, qu’est-ce que la PMCF ?

 

C’est une étude observationnelle qui vise à remonter les données manquantes issues de l’analyse d’écart. On met en place un protocole avec des médecins et des cliniciens, qui vont suivre les développements pour faire la continuité de nos études. Concrètement, ça passe par le suivi des opérateurs afin de quantifier les revendications. Avec l’objectif de diminution de douleur, on s’est basé sur des indicateurs, comme l’échelle visuelle analogique (EVA), et on demande au médecin de faire des visites de routines avec les utilisateurs et faire remonter ses données observationnelles, en cherchant à valider s’il on a bel et bien un soulagement de la douleur et une amélioration de la mobilité chez les personnes utilisant notre dispositif.

Il y a également le Post Market Surveillance (PMS). On regarde la matériovigilance, c’est-à-dire est-ce qu’il y a eu des problèmes avec notre dispositif sur l’année écoulée, mais aussi avec tous les dispositifs médicaux similaires. Il faut savoir que s’il y a un problème de santé sur un utilisateur, on est tenu de contacter l’agence du médicament et, selon la gravité, ça peut entraîner un rappel de lots par exemple.

On regarde aussi les retours qui sont faits au sein de la boite, par exemple aux commerciaux : ça peut aller du petit problème d’inconfort, à la difficulté à mettre en place le dispositif, jusqu’aux SAV. Et c’est sur la base de toutes ces remontées d’informations qu’on alimente la conception, le packaging, etc. L’objectif étant toujours de maximiser le ratio bénéfice – risque !

En prenant un exemple concret, les commerciaux nous ont fait remonter l’information plusieurs fois que les utilisateurs souhaitaient avoir des moteurs plus rapides. Quand statistiquement, c’est devenu un retour pertinent, les ingénieurs ont fait une révision du design et ont obtenu un système de motorisation plus rapide. En réévaluant le bénéfice auprès de nos utilisateurs et en refaisant des analyses de risques sur les changements éventuels que ça aurait pu apporter, on a pu se rendre compte qu’il convenait plus à l’utilisation tout en aillant les mêmes revendications et performance. C’est du win-win, on a amélioré notre ratio bénéfices risques, sans augmenter le risque !

On sait que le développement sous les standards médicaux et conséquemment plus coûteux, ne serait-ce que pour toute la procédure clinique et les tests qualifications, mais c’est une manière adaptée de garantir à l’utilisateur un bénéfice justifié et un risque minimisé pour un produit innovant, en l’occurrence un exosquelette.

 

Japet est une entreprise Lilloise qui, depuis 5 ans, développe des solutions technologiques pour améliorer la santé de l’Homme. C’est autour de cette conviction que nous avons constitué une équipe pluridisciplinaire, avec des ingénieurs biomécanique, mécanique, textile, électronique, des designers, l’équipe de production, les affaires réglementaires, etc. Mais aussi et surtout, des médecins avec Docteur Fahed Zairi, spécialiste du rachis à la Clinique du bois et le professeur Vincent Tiffreau, chef de service rééducation à Lille.

 C’est avec toutes ces compétences que l’on a commencé à s’attaquer à un mal que tout le monde connaît : le mal de dos, qui est la première cause d’arrêt de travail dans les pays développés. Le produit : un exosquelette médical qui facilite la rééducation en soulageant les douleurs. Ce dispositif médical a par la suite été décliné en une offre pour l’industrie pour préserver la santé au travail. L’objectif, prévenir les TMS en réduisant l’impact sur la colonne vertébrale.

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